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Addiu o Pè. L'ultime adieu à Petru Guelfucci


Pierre-Manuel Pescetti le Mardi 12 Octobre 2021 à 19:01

Plusieurs centaines de personnes, de nombreux artistes et chanteurs représentant l'ensemble du monde culturel insulaire, ont assisté à la messe d'enterrement de Petru Guelfucci dans le village de Sermanu, mardi après-midi. Un dernier adieu empli d'émotion et une magnifique messe des morts entièrement en langue corse et composée par le chanteur lui-même comme une sorte de testament musical.



La messe a rassemblé plusieurs centaines de personnes. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
La messe a rassemblé plusieurs centaines de personnes. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
L’église du petit village de Sermanu est cernée en ce début d’après-midi du 12 octobre. Des centaines de personnes sont venues rendre un dernier hommage à Petru Guelfucci, dont la voix s’est tue à jamais le 8 octobre dernier. Celui qui fut l’une des plus importantes figures du Riacquistu, la réappropriation culturelle des années 1970, s’en est allé à l’âge de 66 ans, emportant avec lui sa voix tintée des couleurs de son Boziu natal.

L’absence de nuages contraste avec le mauvais temps des jours passés, comme si le ciel réservait son plus bel accueil au chanteur. Les silhouettes vêtues de vêtements sombres inondent les alentours de l’église. Impossible de pénétrer à l’intérieur. Les portes latérales ont été ouvertes pour que tout le monde puisse suivre la messe en langue corse que va prononcer l’abbé Antoine Peretti. Dehors, un léger brouhaha brise le silence de l’intérieur. Chacun raconte son anecdote, son moment passé avec Petru Guelfucci, sa simplicité et son talent immense. Parmi eux, Ceccè Buteau et Minicale avec qui il avait fondé le groupe Canta u populu corsu en 1973, sont présents.

Une grande émotion

« J’arrive du Fium’Orbu », confie une dame en se cachant derrière ses grandes lunettes noires. Personnalités politiques, culturelles, amis et admirateurs sont venus de toute la Corse. Les gens font la queue pour signer les registres placés de chaque côté de la porte d’entrée de l’église. La cloche sonne. Les premiers chants latins de la messe des morts sont entonnés et s’échappent de l’église. À l’intérieur, un va et vient permanent accompagne les chants. Les gens sortent, les larmes aux yeux, et laissent le peu de place restant aux autres. Certains sont même assis sur les escaliers de bois qui mènent au balcon au-dessus de la porte.

Le chant du pardon, le Kyrie Eleison arrache un frisson à l’assistance. Tous les regards sont tournés vers le cercueil de bois clair qui trône au milieu de la nef. Les couronnes de fleurs ont envahi le sol de la petite église. À la gauche de l’abbé, un portrait peint en noir et blanc révèle un Petru Guelfucci souriant, tournés vers ses amis chantant leur ultime adieu sous les arcades de pierre dominant l’autel. C'est le chanteur lui-même qui a composé sa propre messe des morts, comme une sorte de testament musical, et qui sera chantée par son fils Petru Santu, et des chanteurs des Chjami Aghjalesi.

L’ultime adieu

À la fin de la messe, les applaudissements font vibrer les allées bondées. Puis, silence total. Les premiers notes du Dio vi salvi Regina résonnent. Même la légère brise fouettant les extérieurs de l’église s’est tue. Les yeux se ferment, les têtes se tournent vers le centre de l’église. Le cercueil, enveloppé d’un drapeau corse est soulevé et porté à l’extérieur.  

Il faut maintenant rejoindre le cimetière de Sermanu. Un long défilé suit le 4X4 sur une piste rocailleuse et très pentue. Comme un dernier hommage pour l’un des plus importants ambassadeurs de la paghjella qu’était Petru Guelfucci, les chanteurs entonnent une dernière fois ce chant à trois voix en sa compagnie avant de le laisser rejoindre les autres monuments de la chanson corse partis avant lui. Le paradis, aujourd’hui, doit résonner au son des voix retrouvées. Celles de Petru et de son ami Natale Luciani, disparu trop tôt lui aussi, en décembre 2003.
Au cimetière. Photo Christian Andreani.
Au cimetière. Photo Christian Andreani.